Plusieurs informations et commentaires contradictoires ont circulé sur internet depuis l’avènement de ce vaccin, et vous vous demandez certainement lesquel(le)s il faut considérer. Pour aider à dissiper vos doutes, nous allons nous appuyer sur le point N°5 de notre précédent article sur comment apprécier la fiabilité d’une information médicale, à savoir « Comprendre la Science derrière les informations reçues ».
NB : Cet article n’a pas pour but de vous convaincre d’accepter ce vaccin (je n’ai aucun conflit d’intérêt). Conformément à la vision de ce blog exprimée par son slogan (Savoir – Comprendre – Agir pour une meilleure santé), le but de cet article est de vous fournir des informations précises afin que votre décision soit guidée par la compréhension de ce que vous avez entendu jusque là.
1) Paludisme : tout savoir sur la maladie
Il serait difficile de comprendre la science derrière le vaccin contre une maladie si vous ne comprenez pas déjà les mécanismes de la maladie elle-même. Je vous invite donc à lire d’abord cet article qui vous permettra de bien comprendre le paludisme. Dans cet article nous avons expliqué la science derrière cette maladie, comment le microbe entre dans notre corps après piqûre d’un moustique particulier, et comment il cause de graves dégâts qui se manifestent par les signes ou symptômes de la maladie. Nous avions terminé par les moyens de prévention et comme promis, voici enfin l’article tant attendu sur le vaccin Mosquirix nouvellement introduit au Cameroun le 22 janvier 2024.
2) Ce qu’il faut savoir sur les vaccins
Avant de vous expliquer comment agit le vaccin contre le paludisme, il serait bon que vous ayiez quelques connaissances de base claires sur les vaccins en général. Vous pouvez lire nos articles qui expliquent : ce que sont les vaccins, leur utilité, et surtout l’article qui explique comment ils sont développés avant d’être administrés à l’Homme.
3) Est-ce que ce vaccin RTS,S/AS01 (Mosquirix) est en train d’être testé sur les camerounais ?
Je pourrais vous répondre simplement par « oui » ou par « non », mais ça ne serait que mon opinion parmi tant d’autres que vous avez vu circuler.
Par exemple, dans une vidéo devenue virale en fin novembre 2023 après l’arrivée des vaccins Mosquirix au Cameroun, l’activiste politique Egountchi BEHANZIN déconseillait radicalement aux populations camerounaises d’accepter ce vaccin, qui d’après lui avait été créé en 2021. Il a déclaré dans cette vidéo : « avant de mettre un vaccin sur le marché, il faut 10 ans de tests, sauf que ce vaccin a été créé en 2021 et le vaccin est toujours en phase expérimentale […] ça veut dire que les garanties de sécurité de ce vaccin aujourd’hui n’est pas rassemblé, puisqu’il faut 10 ans avant de mettre sur le marché le vaccin et le vaccin est développé que depuis 2021. » Ces déclarations ne sont pas vraies, et vous pourrez le constater par vous-même en lisant (si vous ne l’avez pas encore fait) cet article qui explique comment les vaccins sont développés avant d’être administrés à l’Homme. De plus, le vaccin Mosquirix a commencé à être développé il y a plus de 60 ans et est passé par toutes les étapes du développement d’un vaccin ; en 2021 c’était l’étape d’approbation réglementaire par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). La chronologie du développement de ce vaccin est présentée sur l’image ci-dessous, extraite d’un article d’Isaac Olufadewa et collaborateurs, publiée dans le Journal of Global health.

Le 22 novembre 2023, le Cameroun a reçu 331 200 doses du premier vaccin antipaludique recommandé par l’OMS : le RTS,S/AS01, encore appelé Mosquirix. Deux mois après, le 22 janvier 2024, ce vaccin a été officiellement intégré au calendrier vaccinal du Programme Elargi de Vaccination (PEV-Cameroun). Cette première introduction concerne les enfants âgés de 06 mois, qui recevront les 04 doses de vaccin recommandées, jusqu’à l’âge de 24 mois dans 42 Districts de santé qui ont été jugés prioritaires par le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) et le PEV-Cameroun.
4) Vaccin RTS,S/AS01 (Mosquirix) : Comment il agit dans le corps ?
4-1) L’acteur principal encore appelé « CSP » (Circumsporozoite Protein)
Lorsqu’un moustique infecté pique un individu, il lui injecte les microbes du paludisme (Plasmodium falciparum) dans le sang. Ces microbes se déplacent vers le foie et infectent les cellules du foie, où ils se multiplient avant d’envahir les globules rouges et de provoquer les symptômes de la maladie. La CSP est une protéine spécifique présente sur le Plasmodium falciparum (microbe du paludisme), et c’est elle qui ouvre la porte des cellules du foie au Plasmodium falciparum.
Pendant la première étape du développement du vaccin Mosquirix, c’est la CSP que les chercheurs ont identifié comme antigène (voir article sur les étapes du développement d’un vaccin).
4-2) Action du vaccin Mosquirix dans le corps et impact
Le vaccin RTS,S/AS01 contient des morceaux de cette CSP, ce qui stimule le système immunitaire à produire des anticorps spécifiques dirigés contre elle. En d’autres termes, le vaccin va provoquer la fabrication des militaires et des armes spécifiques capables de neutraliser la CSP (empêcher la CSP d’ouvrir la porte des cellules du foie).
Lorsqu’une personne est vaccinée, son système immunitaire devient capable de reconnaître la CSP comme une menace. Ainsi, si cette personne est piquée par un moustique infecté, les anticorps produits en réponse au vaccin peuvent cibler et neutraliser les microbes du paludisme qui ont la CSP, avant qu’ils n’envahissent les cellules du foie. Ce vaccin aide donc à lutter contre le paludisme :
- En empêchant ou en réduisant la pénétration des Plasmodium falciparum dans les cellules du foie, ce qui va empêcher la multiplication de ce microbe, empêcher la destruction des cellules du foie et des globules rouges, et par conséquent réduire le risque de complications et de gravité de la maladie (voir article sur le paludisme). C’est par ce mécanisme que le vaccin contribue à réduire le risque de survenue des formes graves de la maladie et des décès.
- En réduisant la quantité de Plasmodium falciparum disponibles dans le sang ; le moustique aura moins de chance d’être infecté par ce microbe lorsqu’il piquera une personne vaccinée, et donc il y aura moins de chance de transmettre le Plasmodium à une autre personne qu’il ira piquer après. C’est de cette manière que le vaccin contribue à réduire la transmission et la propagation de la maladie.
5) A propos des rumeurs sur le Mosquirix
Le Dr Hemes Nkwa, Médecin Epidémiologiste de Terrain et blogueuse spécialisée en vérification des faits a écrit un article riche en informations pour vous permettre de démêler le vrai du faux en 3 points. Je vous recommande vivement de lire cet article qui vous aidera à dissiper plusieurs de vos doutes.
Ce qu’il faut retenir
En comprenant comment fonctionne ce vaccin, vous pouvez mieux comprendre comment il peut contribuer à réduire la propagation ou transmission de la maladie et réduire le risque de tomber gravement malade de paludisme, comme cela est répété régulièrement par les autorités sanitaires nationales et internationales.
Notre objectif à travers cet article n’est pas de vous dire si vous devez accepter ou rejeter le vaccin Mosquirix, encore appelé RTS,S/AS01. Notre objectif est de vous donner des informations précises et objectives (dans un langage que vous pouvez comprendre), qui vous permettront de prendre votre décision vous-mêmes, pour vos enfants et votre communauté. Que vous choisissiez donc de faire vacciner ou pas vos enfants, nous espérons que cet article vous a aidé à mieux comprendre le sujet, car c’est à cela que nous nous sommes engagés.
Dans notre prochain article sur ce vaccin, nous aborderons une question majeure : « Est-ce que ce vaccin est indispensable ? Pourquoi ne pas simplement mieux appliquer les autres mesures de lutte contre le paludisme que nous connaissons déjà ? »
N’hésitez pas à poser vos questions et nous dire en commentaires si cet article vous a éclairé, et si votre perception du vaccin Mosquirix a changé (ou pas du tout) après la lecture. A bientôt !
Dr Christelle Mpoulet , Médecin Epidémiologiste de Terrain et Rédactrice Freelance (production de contenus médicaux alliant rigueur scientifique et clarté rédactionnelle pour une communication en santé efficace et impactante)
21 commentaires
Très bel article. Bien rédigé. Bien étayé.
Merci Hemes
Bonjour,
Cet article est bien fait , et le message sur ce vaccin est vraiment facile à comprendre, mais ma question est la suivante : pourquoi le programme vaccinale ne cible que les enfants les enfants de 4-24 mois ? Pourtant la transmission se fait dans toute la population et les femmes enceintes sont à risque au même titre que les enfants ??
Bonjour Lionel et merci pour ces questions très pertinentes. En effet les femmes enceintes font partie des populations les plus vulnérables tout comme les enfants de moins de 5 ans, et la transmission se fait dans toute la population. La vaccination cible juste ces enfants parce que c’est chez eux que la meilleure efficacité de ce vaccin a été observée au décours des essais cliniques.
L’OMS recommande que ce vaccin soit administré aux enfants à partir de l’âge de cinq mois, mais les Programmes de vaccination peuvent choisir de donner la première dose à un âge légèrement plus tardif ou plus précoce en fonction des considérations locales. Le Programme de vaccination du Cameroun a choisi de commencer à 6 mois.
Pertinence+++
Merci beaucoup Doc
Bravo
Merci beaucoup
Merci bien Rita
Je m’interroge néanmoins :
1. Pourquoi la cible du vaccin n’est que les enfants de moins de 6 mois et qui recevront les doses jusqu’à 24 mois ???
2. Si il marche réelement, en dehors de l’Afrique (cas du Cameroun) es-ce qu’il est utilisé dans les autres régions tropicales du monde ?
Questions légitimes et pertinentes Paul. Je vais y apporter des éléments de réponse, qui peuvent ne pas être exhaustifs :
1. – L’OMS recommande que ce vaccin soit administré aux enfants à partir de l’âge de cinq mois, mais les Programmes de vaccination peuvent choisir de donner la première dose à un âge légèrement plus tardif ou plus précoce en fonction des considérations locales (le Programme de vaccination du Cameroun a choisi de commencer à 6 mois). Cette recommandation de l’OMS est soutenue par le fait que c’est dans cette tranche d’âge que la meilleure efficacité de ce vaccin a été observée au décours des essais cliniques.
– Les doses vont jusqu’à 24 mois parce que pour obtenir la meilleure efficacité décrite pour ce vaccin il faut 4 doses administrées à des intervalles de temps qui font que la derniere dose arrive au 24ème mois pour un enfant ayant pris sa 1ère dose à 6 mois.
2. C’est un nouveau vaccin, qui selon ce que j’ai lu des études scientifiques publiées a suivi les étapes de développement requises. Il a été approuvé et recommandé par l’OMS en 2021 (avec un certain niveau d’efficacité et d’impact donné), et les Pays ayant exprimé leurs besoins ont été priorisés notamment pour la production en grande quantité du vaccin. Donc je ne sais pas si d’autres Pays d’autres régions tropicales ayant exprimé leurs besoins ont été servis déjà, et s’ils l’ont introduit déjà dans leur programmes de vaccinations. Mais je pense que nous en entendrons parler bientôt si c’est le cas🙂
Article très très édifiant.
Merci beaucoup pour cet article. J’ai une ou deux questions.
– quel est le laboratoire qui a créé ce vaccin ?
-Une fois le vaccin administré à un individu, les traitements ordinaires prescrits à l’hôpital devront ils être abandonné ?
Jusqu’ici je ne sais toujours pas si le vaccin est à sa phase de test. Merci
Bonjour Russel, merci beaucoup pour vos questions :
– Le vaccin a été élaboré par GlaxoSmithKline (GSK) en collaboration avec l’Initiative pour un vaccin antipaludique de PATH.
– Non, le vaccin ne remplace ni les traitements ordinaires ni les mesures préventives ordinaires. Il est un outil supplémentaire de lutte, visant à améliorer l’impact des mesures qui existaient déjà avant lui
– Je vous invite à lire l’article intitulé « Comprendre la science derrière les vaccins… » qui traite de « comment sont développés les vaccins ». Vous y verrez plus clair quant à votre dernière préoccupation
Merci bien Paul, j’en suis ravie
Merci docteur, très édifiant et rédigé dans un langage facile à comprendre. Bonne continuation dans l’édification des populations.
Merci Dr pour ce retour, vos encouragements nous honorent☺️
Merci Dr pour cet éclairage qui devrait être diffusé à plus large échelle pour l’édification d’un plus grand nombre. J’aimerais savoir si des effets secondaires ont été observés a date chez les sujets vaccinés, si oui est-il possible de savoir lesquels ?
Bonjour Valère, merci pour ce message très encourageant pour pou votre question. Actuellement je n’ai pas encore des informations sur les potentiels effets secondaires observés chez les enfants vaccinés au Cameroun. Dès que j’en saurai davantage, je reviendrai sur votre commentaire pour donner cette réponse.
Superb article
excellent article docteur
pensez vous que ce vaccin pourra pénétrer sa cible en ce contexte d’infodemie?
que pensez vous d’un éventuel recul de la couverture vaccinale des vaccins traditionnels dans ce contexte?
Merci beaucoup Hassan.
Vous faites bien de souligner le contexte d’infodémie, qui renforce en effet l’hésitation de la cible à adhérer à ce vaccin. Je pense que la diffusion de la bonne information pourrait atténuer les effets de l’infodémie et éclairer les décisions des uns et des autres. Toutefois, hormis la connaissance, la perception des enjeux influence également les décisions individuelles. Je le dis car aucun vaccin n’a jamais fait l’unanimité, même en dehors des infodémies ; donc il serait peu réaliste de penser que TOUTE la cible va adhérer à ce vaccin, malgré la vulgarisation de la bonne information.
Pour ce qui est de la couverture vaccinale des vaccins traditionnels, je pense que le recul pourrait survenir si l’adhésion de la cible est faible, car un climat de méfiance accrue des parents s’installerait et ferait que ceux-ci n’emmenent plus leurs enfants à la vaccination, un peu comme cela a été avec l’avènement des vaccins contre la covid-19. Mais l’expérience des Pays ayant participé à la phase pilote du RTS,S/AS01 en vaccination de routine fait état de résultats positifs en termes d’adhésion de la cible, et il n’a pas été observé de recul particulier de la couverture vaccinale des vaccins traditionnels imputable à l’avènement du RTS,S/AS01. On verra bien ce qu’il en sera au Cameroun, mais l’optimisme est permis…🙂